Just Waltz
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A perfect day
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A toi

 

A toi,

C’est à toi. Le monde peut t’appartenir. Il ne tient qu’à toi, de le poursuivre. De lui donner tes lueurs, tes pensées disruptives, tes craintes fautives. Il ne lui appartient pas à, lui, non, pas à lui. Pas comme ça. Entre toi et lui, un univers, tu m’entends ? Entre toi et lui, il y a des palais, des fossés, des guets, des champs, des ruines, de la pluie sur les chemins de boue, du soleil à l’embouchure des fleuves, des carcasses d’animaux qui jamais ne termineront leur transhumance. Tu vois, ce n’est pas la même chose. Tu n’es pas comme lui, c’est plus qu’un fait. C’est une représentation très précise dans l’Esprit. Il ne s’agit ni de se raconter des histoires, ni de se prendre pour quelqu’un d’autre. Ecoute, je ne le connais pas aussi bien que toi. Je ne pourrais pas témoigner en sa faveur en cas d’affaire sérieuse. Je ne pourrais qu’être là, en ta présence, à te regarder le regarder. Prier pour lui peut-être. Mais non, toi, je ne te plaindrai jamais. Car jamais tu ne m’as inspiré pitié. Jamais, de tous les instants vécus ensemble, ton image, dont les contours peupleront pour toujours les travées de ma cornée, ne m’a hanté. Je ne me suis jamais dit : tiens, ce que nous sommes désespérés – oui, ce que nous sommes, avec lui aussi, de toute évidence. Oui, nous pouvons être, à certains moments, pourquoi pas, inclusifs. Mais je t’assure, je peux te la prouver, votre différence. Bien sûr pas d’un point de vue stricto-sensu objectif, scientifique, mesurable. Davantage avec un regard décalé, pas nécessairement défendable, si ce n’est par le truchement de quelques gaucheries, maladresses ou bien encore par-delà une pincée de naïveté bienveillante. Tout ceci n’est point de la science, t’en conviens. Lui, aussi, il en convient, mais à sa façon. Il a ses manières, et vous avez les vôtres certainement, ensemble. C’est sans doute beau, fragile. Je dirais même que la beauté serait issue de la fragilité et de l’intimité dans lesquelles elle aurait toute place à s’exercer. Car, si l’on y regarde de plus près, ne serait-ce justement pas l’élément, qui, tout comme l’eau, la terre, le ciel ou le feu, permettrait de plonger plus profondément en soi, de saisir l’autre depuis l’ombre projetée de lui-même, à travers l’action contrariée d’un projecteur dont l’intérêt résiderait moins dans la façon qu’il a d’éclairer sa cible, que dans les limites de sa propre fonction, à savoir les cônes d’ombres engendrés ? Les limites, toujours si l’on y regarde de plus près avec une sensibilité certaine, ardente, apparaissent, pour le fort comme pour le plus débile d’entre nous, une formidable zone de rencontres. Si nous arrivons ainsi à être nos propres limites, alors oui, nous sommes, toi, lui, moi, nous sommes, on peut le dire, unis. Allons chercher ces clair-obscur, pourquoi pas. Mais n’y soyons pas contraints. Ne soyez pas obligés de cueillir cette vérité-là. Il en existe bien une infinité. Qui suis-je pour dire : c’est celle-ci qui te convient mieux. Tiens, habille-toi de cet élan-là, porte donc cette dynamique sur tes épaules car le vent se lève ou encore chausse donc cette grâce, car sans elle, tu irais moins loin et le chemin serait bien moins agréable. Accepterais-tu des garde-fous ? Les accepterions-nous, tous ? Sans transiger ne serait-ce qu’un peu ? Accepterions-nous facilement de nous éloigner, de revenir, de faire l’aller-retour entre le soleil et la lune ? Pourrions-nous vivre dans ce « trop-plein » agile et bohème ? Tirer sur le fil des limites afin de basculer indéfiniment d’un côté à l’autre de la face exposée au monde, enjamber la barrière de la terreur, celle qui nous évite de passer pour un être ridicule, incompatible avec les critères INSEE des CSP+ ? Afin de nous réconcilier ?

En apprenant à nous aimer ?

Alors,

à tous les décalés, désaxés, peroxydés, fétichistes de la peur, fantassins chair-à-canon, dames de canton, fuyards et bagnards, forces sectaires, tailleurs de pierres de rosette, fêlés de la caboche, pauvres Gavroches, tisserandes de fils de l’Histoire, cigognes annonciatrices, patriarches de maisons fermées à double-tour, princesses de donjons, figures de proue, capitaines fracasse, bébés kamikazes, icônes pop, farceurs, trappeurs, explorateurs d’une pacotille,

à toi
et vous
à nous
bisous.

 
 
 

D E M I - T O U R N E E